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Florent Gorges: La bible vivante de l’Histoire de Nintendo


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Florent Gorges: La bible vivante de l’Histoire de Nintendo

Florent Gorges: La bible vivante de l’Histoire de Nintendo

Aujourd’hui, une interview avec la bible vivante de l’Histoire de Nintendo: Florent Gorges, fondateur de la maison d’édition Omaké Books. Rencontre dans le cadre de la convention Polymanga de Montreux.

Dikran Avakian: J’ai l’immense honneur d’être aux côtés de Florent Gorges. Bonjour Florent ! Chez Omaké Books, le leitmotiv, c’est de publier des livres que tu aimes. Disons, que c’est la passion avant tout. Le plaisir avant tout…

Florent Gorges: Effectivement, la ligne éditoriale est un petit peu bizarre pour certains. Il y a une ligne directrice malgré tout. Mais le choix principal, c’est avant tout mes goûts, et mes propres envies. C’est sur ça que je me base pour faire mes choix éditoriaux.

D.A: Est-ce que c’est un luxe dans le métier de l’édition ?

F.G: Quand on est directeur éditorial, par définition, c’est nous qui faisons la ligne éditoriale. Moi, j’ai la chance d’être fondateur et directeur éditorial. Mais je ne fais pas pour autant ce que je veux, sinon il y aurait des bouquins qui se vendraient à deux exemplaires. Mais, malgré tout, oui, c’est un luxe de pouvoir se dire que l’on fait ce que l’on aime. C’est vrai que les journées sont très longues, mais on fait ce qu’on aime. C’est pas facile, mais au moins, on ne va pas à l’usine, on a cette chance là.

D.A: S’il y a une définition possible, comment pourrait-on définir Omaké Books ? A part le fait que ce sont les ouvrages que tu aimes. C’est Jeu Vidéo ? C’est Geek ? C’est Mangas ?

F.G: Pour simplifier, c’est tout ce qui a trait à la Pop Culture. Cela va des Jeux Vidéo, aux Youtubeurs, en passant par les Artbooks à tendance Geek. Comme par exemple de la Toy Photographie. C’est un peu tous ces univers qui sont cohérents les uns dans les autres. Mais pour parler clairement, c’est la Pop Culture. Jusqu’à présent, nous avions des publications qui étaient surtout tournées vers le Rétrogaming. Et là, dans quelques jours, on va sortir une revue de 150 pages qui s’appelle RétroLaser. Cela va ressembler un peu à un magazine, mais au format livre. Cela parlera de tous les pans de la Pop Culture du 20ème siècle: Dessins animés, jouets, vieilles séries, Jeux Vidéos. C’est vraiment toute la Pop Culture du 20ème siècle, regroupée dans un seul ouvrage. Ce sera une publication à rythme trimestriel. Et je pense que ça sera très sympa !

D.A: J’ai vu que tu as sélectionné deux livres. Quels sont ces deux ouvrages que tu as envie de mettre en avant aujourd’hui ?

F.G: Il s’agit de « L’Histoire de Nintendo, Volume 1 et 2 ». Ce sont des bouquins qui sont sortis il y a déjà quelques années. Ils étaient en rupture de stock pendant très longtemps. On les a ressortis récemment dans une version améliorée. Ce sont deux livres dont je suis très fier. C’est des années et des années de travail. Je les ai rédigés. J’ai fait la maquette. La couverture, c’est un ami qui l’a réalisée. C’est un travail de très longue haleine. Avec énormément d’infos sur l’histoire de Nintendo. Des choses méconnues. Déjà, peu de gens savent que Nintendo a été fondé en 1889. C’était il y a près de 130 ans.

D.A: Tu dis que tu les as rédigés. Mais, ce n’est pas juste « rédigé ». C’est vraiment un travail d’enquêteur, un travail de journaliste. Tu es allé puiser des informations vraiment très très loin. Des informations que même Nintendo n’avait pas. Puisqu’ils sont plutôt tournés vers l’avenir. Il n’y a pas beaucoup d’archives. Tu as maintenant partagé ce savoir avec nous. Est-ce qu’on peut dire que tu es la personne qui connaît le plus à propos de l’histoire de Nintendo ?

F.G: Ce serait hyper prétentieux de dire que je serais la personne qui connaît le plus en France, voire en Europe peut-être. Mais clairement, il y a des gens en interne chez Nintendo, qui en savent dix mille fois plus que moi. Mais c’est normal. En tant que privé, en tant que personne externe à Nintendo, effectivement, je pense que je fais partie des quelques rares spécialistes à avoir réussi à dénicher, comme tu le disais, des archives que Nintendo, non pas n’avait pas, mais n’avait plus. Parce qu’au cours de cent dernières années, il y a eu des déménagements. Il y a pas mal de choses qui sont parties à la benne. Parce qu’on se dit que les archives, ça va rien parfois. Et quelques années plus tard, on le regrette. Il y a des tonnes de choses qu’ils n’avaient plus. Et que nous, de notre côté, on a pu retrouver, en passant à la bibliothèque nationale. En cherchant dans certains coins spécifiques du Japon.

D.A: Quand tu dis la bibliothèque nationale. Ce n’est évidemment pas la Bibliothèque Nationale de France ! Mais celle du Japon…

F.G: Bien sûr ! Moi, je fréquente pas mal la bibliothèque nationale de Tokyo et celle de Kyoto. A Kyoto, ils ont des journaux plus locaux. Pour trouver des infos sur Nintendo datant du début du 20èmesiècle (les années 1910-1920), il ne faut pas aller regarder les journaux de Tokyo, mais plutôt la presse locale qui parlait de l’activité économique locale. Et donc, oui, logiquement, c’est à la bibliothèque départementale de Kyoto qu’il faut aller pour trouver des infos.

D.A: En gros, ça veut dire quoi ? Cela veut dire que tu es allé sur le terrain ? Tu es allé fouiner dans toutes ces archives ? Dans tous ces journaux de l’époque ? Où est-ce que tu as puisé toutes ces informations ?

F.G: C’est du travail d’investigation. C’est un travail journalistique, et de recherches historiques. En tant que chercheur, parfois on a des coups de bol. Il m’arrive régulièrement de tomber sur des infos sur Nintendo, alors que je ne m’y attendais pas. Parce que les opportunités font parfois la bonne fortune. Et j’ai sauté sur des opportunités qui m’ont donné des pistes. Et en creusant de nouvelles pistes, on arrive à tomber sur des infos auxquelles on ne s’attendait pas. C’est un travail de chercheur. Quand on est tout le temps le nez dedans toute la journée, parfois, il nous arrive des coups de chance. C’est de la vraie recherche. Les infos, on les trouve comme n’importe quel chercheur historique: en cherchant des pistes qui se présentent à nous. En creusant, en grattant, on trouve des trucs.

D.A: C’est une mine d’or, c’est une mine d’informations ces 2 tomes. Pour ceux qui aiment lire, c’est vraiment très riche. Il y a vraiment beaucoup à lire. Et pour ceux qui aiment voir des illustrations, c’est vraiment très riche en illustrations également. Il y’en a vraiment pour tous les goûts…

F.G: Oui, c’est très richement illustré, parce qu’il y a pas mal de documents à l’intérieur. Notamment, le volume 1, dans lequel on présente, un peu à la façon d’un catalogue, des centaines de jeux de cartes de l’époque. Des centaines de jouets, de jeux de sociétés. De choses que Nintendo faisait bien avant de faire du Jeux Vidéo, avant même de rentrer dans l’électronique. C’est une partie de l’histoire de Nintendo que peu de gens connaissent. Et qu’on a un peu révélé aux yeux des occidentaux. Les Japonais, eux, l’avait un peu oubliée, mais connaissaient cette période. Alors, que nous on ne la connaissait pas du tout. Mais, même auprès du public japonais, quand ils ouvrent ces bouquins-là, ils se disent: «Ah oui, Nintendo avait fait ça, j’avais oublié! Moi aussi, j’avais ce jouet-là» Ils avaient oublié que Nintendo, avant les Jeux Vidéo, existait depuis longtemps. Et, ils ont retrouvé des vieux jouets, des vieux jeux de société. Donc, c’est richement illustré, parce que l’histoire de Nintendo est vraiment très riche.

D.A: C’est vraiment une histoire incroyable, l’histoire de cette société. Elle est faite de rebondissements, de mariages arrangés. Et quand je dis «rebondissements», c’est qu’il y a eu des hauts. Il y a eu des bas. Et à chaque fois, ils s’en sont sortis. C’est vraiment une leçon de vie. Cette histoire est vraiment incroyable, avec tout ces rebondissements.

F.G: Clairement, l’histoire de Nintendo mérite d’être connue. C’est une Success-story. En même temps, des sociétés qui aujourd’hui sont au top et qui ont 130 ans, il n’y en a pas tant que ça. Il y a quelques grosses boîtes qui sont encore là, et qui le sont depuis très longtemps. On pense à Peugeot, à Citroën. Des sagas comme celles-là, au Japon, il y en a quelques-unes: Toyota, Honda, ou encore Sony. Mais Nintendo, elle est particulièrement vieille. Une saga vieille de 130 ans ! Et oui, en 130 ans, évidemment, Nintendo n’a pas fait que grimper sans arrêt. Il y a eu énormément de crises. Et à chaque fois, ils ont su se relever. J’invite tout le monde à lire le bouquin, pour savoir quelles sont les origines des crises et commet ils ont fait pour se relever. C’est étonnant. Et effectivement, c’est une vraie success-story. Comme toutes les success-stroy, ça se lit comme un roman, parce qu’il y a du Drama à l’état pur.

D.A: Des rebondissements, des crises, des moments de haut et de bas. Ils ont su tout le temps se remettre en question. Et quand on y réfléchit, c’est le cas, même jusqu’à l’heure actuelle. Quand on voit le « flop » de la WiiU et le succès de la Switch. On a l’impression que l’histoire se répète depuis 130 ans…

F.G: C’est exactement ça, Nintendo a toujours été là où on ne l’attendait pas. Même avant de faire du Jeu Vidéo, Nintendo a eu énormément de remises en question. A se dire, « Bon, on s’est planté sur un truc… Qu’est-ce qu’on fait pour le suivant ? » Et ils partent sur une direction qui n’a rien avoir avec ce qu’ils faisaient jusqu’alors. C’est quelque chose qui a eu lieu des dizaines et des dizaines de fois. Ils ont cette force de remise en question permanente, qui justifie en partie les raisons du succès.

D.A: On a parlé de mariages arrangés. C’était quelque chose de courant à l’époque au Japon ?

F.G: Là, on est dans les histoires de famille des fondateurs. Les Yamauchi ont eu, en termes de descendance, beaucoup plus de filles que de garçons. Même pas du tout de garçons. Ce qui fait qu’à chaque fois pour la succession, ils étaient obligés, comme cela se fait souvent au Japon, mais aussi en Occident, d’adopter, de façon filiale d’autres hommes. C’était quelque chose de très courant, mais pas uniquement au Japon, chez nous aussi. Cela arrivait souvent dans les sociétés d’autrefois, où la succession se faisait de père en fils. Quand il n’y avait pas de fils, ils mariaient la fille avec une personne qui avait le talent supposé pour reprendre la boîte. En général, l’homme qui épousait la fille, prenait le nom du père, afin de garder la lignée. Cela se faisait chez nous aussi.

D.A: Le Tome 1 est consacré à l’histoire des débuts / au début de l’histoire de Nintendo. Dans le second Tome, on s’intéresse aux Game & Watch, que les trentenaires ont connus quand ils étaient enfant. Le prologue, ça commence avec une histoire très touchante: Ton histoire avec Nintendo. J’ai trouvé vraiment très touchant le début. Tu nous racontes comment a commencé ton histoire avec Nintendo. Et donc, ensuite, dans le Tome 2, on s’intéresse à l’histoire des Game & Watch. Là-aussi, des rebondissements incroyables, une histoire faite de hasards. Puisque la création des Game & Watch s’est un peu faite au hasard…

F.G: Complétement ! En même temps, l’histoire de Nintendo, c’est uniquement ça. Quand on demandait à l’ancien président… L’ex-ex-président, Monsieur Yamauchi… Comment il expliquait le succès de Nintendo dans les années 80, il répondait: « On a eu du bol ! On a tout le temps eu du bol ! » Il faut dire que Nintendo, de façon littérale, ça veut dire « Laisser la chance entre les mains de Dieu ». C’était une société qui faisait des cartes à jouer. On pariait de l’argent avec les cartes. Donc, finalement, remettre son sort entre les mains de Dieu, c’était un nom bien trouvé pour une boîte qui faisait des cartes à jouer. Nintendo a toujours su compter sur sa chance pour y arriver. Et les Game & Watch, effectivement, sont nés en partie avec de la chance. On voit dans le bouquin les péripéties qui ont permis notamment à Gunpei Yokoi, le créateur des Game & Watch d’arriver au résultat final.

D.A: C’est peut-être une question un peu personnelle. Mais, le fait que Nintendo signifie « Laisser faire les dieux, laisser faire le destin, laisser faire la chance »… Est-ce que tu crois que cela a eu une incidence sur le destin de la société ?

F.G: C’est difficile à dire. Après, on rentre dans le spirituel. Moi, je pense que de toutes façons, on est tous maître de son destin. Là, ce sont des considérations très « comptoir ». Mais au final, on provoque sa chance. Encore une fois, la chance sourit à ceux qui savent détecter les opportunités, à ceux qui savent les prendre au bon moment. Des opportunités, on en a tout le temps, tous les jours. Il suffit d’ouvrir les yeux et d’être un peu plus attentif qu’au quotidien, pour savoir les saisir. Nintendo a toujours été bon pour ça. Et Monsieur Yamauchi était particulièrement bon pour saisir les opportunités au bon moment. Donc, oui le fait, que le nom ait un lien avec la chance, ça a dû jouer sur la psyché du président et des fondateurs. Ils ont dû se dire: « Il faut espérer que les dieux nous entendront et qu’ils nous donneront ce qu’on attend ». Et quand cela s’est présenté, ils l’ont saisi au vol et ça a marché. Parfois. Parfois non. Le résultat est qu’aujourd’hui, ils sont encore là, et plus en forme que jamais.

D.A: Est-ce que tu acceptes de nous donner aussi la deuxième définition ? Ou alors, on invite les lecteurs de cet article à découvrir dans le livre, dans le Tome 1 ?

F.G: En fait, Nintendo, de façon très littérale, ça veut dire « Laisser la chance entre les mains de Dieu ». Mais il y a d’autres sens. C’est-à-dire que les Kanjis utilisés pour Nintendo, il y en a trois: NIN-TEN-DO. Quand on les prend chacun de manière différente, ils peuvent avoir plusieurs sens. On peut donc interpréter ces différents sens comme on veut. Ce serait un peu compliqué d’expliquer cela rapidement, alors j’invite les lecteurs à découvrir dans le livre, le deuxième sens potentiel de Nintendo. Mais j’aime bien le premier aussi. « Laisser les dieux décider de notre chance », c’est quand même un joli nom.

D.A: Exactement ! Alors, on invite tous ceux qui lisent cette interview à plonger directement dans ces livres, l’Histoire de Nintendo Volume 1 & 2, édités par Omaké Books. Et en plus, cela se lit comme un roman. Cela veut dire, que même si l’on n’est pas fan de Nintendo, même si l’on est pas passionné par les Jeux Vidéo, c’est quand même très intéressant. Et c’est ça aussi, la force de Nintendo.

F.G: Oui, c’est un exemple pour ceux qui étudient l’économie, ou qui étudient l’histoire des grandes sociétés. On n’a pas besoin d’être fan de Jeux Vidéo pour s’intéresser à l’histoire de Nintendo. De la même manière, que l’on n’est pas obligé d’adorer les dessins animés pour se dire que Walt Disney a une histoire incroyable, et peut-être se pencher sur les dessous du succès. Nintendo, c’est pareil. Même si l’on ne s’intéresse pas aux Jeux Vidéo, il y a une histoire qui d’un point de vue économique, humain et culturel est incroyablement passionnante.

D.A: La vraie histoire de Walt Disney, elle-aussi est méconnue. La vraie histoire de Nintendo, est malheureusement méconnue. On espère que ces 2 tomes de l’histoire de Nintendo feront connaître encore un petit peu plus cette histoire vraiment incroyable.
Parlons un petit peu de toi… Tu es auteur, Tu es éditeur… Forcément tu lis aussi… Est-ce que tu as un livre de chevet en ce moment?

F.G: J’en ai pas mal, parce qu’en fait je fais de la traduction. Et en ce moment, je suis surtout en train de traduire des romans. Malheureusement, je ne peux pas en parler, car ils ne sont pas encore annoncés. Mais cela va sortir chez Omaké Books. Ce sont des romans japonais. Je les traduits directement du Japonais. C’est ça mon livre de chevet en ce moment. C’est de m’imprégner à fond du roman. De le connaître presque par cœur. Pour ensuite, être capable de retranscrire les émotions et les messages « entre les lignes » de l’auteur principal.

D.A: Cela veut dire que tu lis plusieurs fois, avant de commencer la traduction « pure et dure ».

F.G: Oui, bien sûr. Surtout quand on fait un travail de traduction pour du roman. Quand on fait de l’interprétariat simultané, sur scène avec un Japonais, devant 100/200/10’000 personnes, et qu’il faut traduire, on n’a qu’une seule chance. Il faut retranscrire tout de suite. Mais quand on a la chance de pouvoir traduire un roman, on a «tout le temps » de le traduire. Donc, il vaut mieux s’en imprégner à fond. Parce que les romans, souvent, il y a les mots, mais il y a aussi, entre les lignes, des intentions de l’auteur. Il y a des effets de style, que l’on ne remarque pas forcément tout de suite. Mais qui à la lecture nous semblent naturels. On s’en imprègne. C’est vachement important. Il faut arriver à le retranscrire en Français. Cela demande pas mal de travail en amont.

D.A: Nous sommes à la convention Polymanga à Montreux. Est-ce que tu as un manga de prédilection ? Quel est ton manga préféré ?

F.G: Mon manga préféré ? J’en ai deux. Le premier, c’est Glaucos. C’est sorti chez Glénat. C’est sur la plongée sous-marine. Cela doit être en quatre tomes. J’ai adoré. Et le deuxième, ça s’appelle Pico-Pico Shônen. Ce n’est pas sorti en Français. C’est sur les Jeux Vidéo rétro. C’est très drôle.

D.A: Une question à la Ardisson: Si tu ne devais emporter qu’un seul livre sur une île déserte… Ce serait lequel ?

F.G: Ce serait un de mes bouquins, parce que j’y suis évidemment très attaché. C’est comme si tu avais des enfants et que tu disais: « Tu dois partir avec une seule personne, tu pars avec qui ? ». On ne part pas avec les enfants des autres ! Donc, ce serait un de mes bouquins. Lequel ? Je ne sais pas. Peut-être la biographie de Yoshitaka Amano que j’ai pu écrire. Ou celle de Monsieur Tomohiro Nishikado. J’ai écrit un certain nombre de livres, je vais avoir du mal à me décider. Mais ce sera un de mes bouquins, ça c’est sûr.

D.A: Est-ce que tu penses qu’il y a un secret, une formule magique, une formule secrète pour réussir un bon livre, en tant qu’auteur ?

F.G: Oh ! Si je le savais ! Parce qu’en fait, moi, je suis toujours très heureux quand mes bouquins sortent. Mais malheureusement, il n’y a pas de recette. C’est-à-dire que j’ai écrit des bouquins qui ne se vendaient pas bien. Cela arrive à tous les auteurs. Parce que certains sujets ne sont pas du tout Mainstream. Les biographies que j’écris, sur les créateurs de Jeux Vidéo, ça n’intéresse pas grand monde. On ne va pas se mentir. Donc, cela ne se vend pas très bien. Malheureusement. Je le regrette. Parce que je suis très heureux. Je pense qu’ils ont une véritable utilité pour l’histoire du Jeu Vidéo, l’histoire du média. J’aurais des difficultés à te donner une recette pour écrire un bon livre. Parce qu’un bon bouquin, c’est un bouquin qui se vend. Du moins, je l’espère. Mais ce n’est pas toujours le cas. Un mauvais bouquin, peut très bien se vendre aussi.

D.A: Est-ce qu’il y a un élément déclencheur chez toi, qui a fait que tu as voulu être auteur, puis ensuite éditeur ? Est-ce qu’il y a eu un événement particulier ? Comment ça t’es venu, cette envie d’être auteur, et ensuite éditeur ?

F.G: Il y a plusieurs choses, plusieurs réponses à cette question. L’élément déclencheur qui m’a donné envie de devenir auteur, et surtout chercheur sur l’histoire du Jeu Vidéo, c’est un bouquin au Japon. C’est une biographie. C’est la biographie de Gunpei Yokoi qui est sortie au Japon en 1996. Malheureusement, il est mort en 1997. Mais j’ai réussi à avoir le livre au début des années 2000. Alors qu’il était introuvable et très cher. Je m’intéressais à cette histoire du Jeu Vidéo, donc en le lisant, je me suis dit que c’était ce que j’avais envie de faire. Aller voir des créateurs de Jeux Vidéo. De leur poser des questions que personne ne leur pose. En fait, on s’intéresse aux jeux, mais à cette époque, personne ne s’intéressait à ceux qui les faisaient. C’est ce bouquin-là qui m’a donné envie. J’ai eu la chance de le traduire en Français de façon officielle. On peut donc le trouver en Français. C’était mon livre de chevet à l’époque. Et en ce qui concerne ce qui m’a donné envie de publier moi-même mes propres bouquins, c’est juste que quand j’ai commencé à écrire des livres sur les Jeux Vidéo, et que j’allais voir des éditeurs lambda en France, on me disait: « Mais les Gamers, ils ne lisent pas. Vos bouquins sur les Jeux Vidéo, on n’en veut pas, cela ne se vendra pas ! ». En gros, c’est ça que l’on me répondait. Donc, au bout d’un moment, après plein de refus, on se dit: « Je vais le publier moi-même ». C’était une époque où Kickstarter et compagnie n’existaient pas. Avec deux potes, on a donc monté une boîte, qui est devenue une maison d’édition à part entière.

D.A: Quel est le conseil que tu donnerais à un jeune auteur qui a envie de se lancer dans ce métier de l’écriture ?

F.G: Moi, je vois une urgence. J’ai eu cette chance de pouvoir rencontrer Monsieur Nishikado, qui est le père de Space Invaders et le créateur du premier jeu vidéo japonais. Il n’est plus tout jeune. J’ai eu cette chance de le rencontrer assez tôt. Gunpei Yokoi, on en parlait tout à l’heure, il y a quelqu’un qui a fait sa biographie un an avant qu’il meurt. D’un accident, donc là pour le coup, il est mort de façon assez prématurée. Mais j’ai déjà écrit quatre ou cinq biographies, et il y en a encore des dizaines que j’ai envie d’écrire. Je ne demande pas aux gens d’écrire des biographies, mais d’écrire des choses quand c’est le moment. On a encore cette chance d’avoir les pionniers du Jeu Vidéo. Pour la plupart, ils sont encore vivants. Il faut en profiter, car ils ne sont plus tout jeune. Et donc, de ne pas forcément écrire sur Zelda, ou des trucs que l’on pourra encore analyser dans quelques années. Mais d’en profiter. Même si cela ne se vend pas, cela vaudra de l’or dans quelques années, en termes de patrimoine. Parce que bon, les ventes, ce n’est pas ça. C’est plutôt en termes de patrimoine culturel et pour la recherche historique. Un jeune auteur, déjà, il faut qu’il fasse ce qui lui plaît. Mais si possible, d’essayer de s’intéresser à des aspects de l’histoire du jeu vidéo que peu de gens ont abordés. Car il reste tellement de choses à défricher. On n’en est qu’au début.

D.A: Quelle a été ta plus belle rencontre dans le monde du Jeu Vidéo ?

F.G: Je ne peux pas dire un nom, ce n’est pas possible. Puisque j’ai la chance de pouvoir rencontrer tous les grands noms. J’ai travaillé plein de fois pour Monsieur Kojima, puisque je suis son interprète. Je suis également l’interprète de Monsieur Sakaguchi, le créateur de Final Fantasy, de Monsieur Amano aussi, lorsqu’il vient en France, l’illustrateur de Final Fantasy. Et de plein d’autres créateurs. J’ai cette chance-là, j’en profite bien sûr. Mais je ne peux pas te donner un nom, ce n’est pas possible. Il y a plein de belles rencontres. Chez Nintendo, j’ai la chance aussi de travailler régulièrement pour plein de choses. Ils sont tous géniaux.

D.A: Tu dis travailler « chez » Nintendo…

F.G: Avec…

D.A: Tu peux préciser un petit peu?

F.G: Je fais régulièrement de la traduction pour Nintendo. Que ce soit pour des conférences à Japan Expo. Il y a eu une conférence l’année dernière avec Monsieur Aonuma et deux Character Designer de Zelda. J’étais sur scène, devant 10’000 personnes, pour être l’interprète de la conférence. Et avant, c’était pour les Pokémon et ce genre de choses.

D.A: Tu traduis aussi les jeux ou pas?

F.G: Non. Pour la localisation, ils ont des équipes en interne. Ils font tout traduire en interne. Ce serait trop dangereux d’externaliser ça. Il y’aurait des fuites et ce serait trop compliqué, donc il font ça en interne, évidemment.

D.A: On a parlé du passé… Le futur du Jeu Vidéo, tu le vois comment?

F.G: Je ne sais pas. Il sera très beau, certainement. Il était très bien autrefois. Il est mieux aujourd’hui. Il sera certainement meilleur plus tard. Je vois bien évidemment un développement de la Réalité Virtuelle. Moins contraignante. Plus immersive encore. Moins contraignante, c’est-à-dire, avec moins de fils, un petit casque tout léger. Là, on n’en est qu’à la première génération de VR. Je trouve que cela a déjà un gros potentiel. Je vois la VR comme un des potentiels du Jeu Vidéo. Mais le Jeu Vidéo nous a tellement réservé tellement de surprises en cinquante ans. Devin sera celui qui saura nous dire à quoi cela ressemblera. Mais ce sera certainement très bien. Aujourd’hui, c’est mieux qu’hier. Demain, ce sera mieux qu’aujourd’hui.

D.A: Le Japon, c’est ton pays de prédilection. Moi, par exemple, je ne suis jamais allé au Japon… Qu’est-ce que tu dirais à une personne qui n’y est jamais allé ? Comment décrirais-tu ce pays ? En gros, quelle est la différence majeure par rapport à l’Europe ? Fais-nous envie !

F.G: J’ai eu cette chance de vivre sept ans au Japon. Très honnêtement, il y a des différences. Mais, moi je fais partie de ces gens modérés. Beaucoup de gens qui reviennent du Japon disent « On a l’impression que c’est un autre monde ! ». Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Evidemment, c’est différent. Il y a des différences culturelles. Mais si tu veux vraiment aller dans un autre monde, tu vas au milieu de l’Amazonie. Ou alors, tu vas vivre pieds nus dans des huttes, sans aucune électricité. Là, c’est un autre monde.

D.A: En fait, tu vois plus de similitudes?

F.G: Exactement ! Le Japon, c’est un pays moderne, qui a les mêmes avancées technologiques. On est dans l’ordre de la nuance. Ils prennent le train comme nous. Ils prennent la voiture comme nous. Ils prennent l’avion comme nous. Ils regardent la télé, le soir en rentrant. Ce n’est pas si différent que ça ! Il y a des petites différences culturelles. Mais, il y en a aussi entre Paris et Marseille. C’est donc normal qu’il y en ait entre Paris et Tokyo. Pour moi, c’est de l’ordre de la nuance. Les Japonais ne sont pas si différents de nous que ça. Là où ils peuvent être un peu plus différents que nous, c’est qu’ils sont un peu plus civilisés que nous, sur bien des aspects.

D.A: Quand tu dis « nous », les Français ou les Suisses ?

F.G: Ah non ! Les Suisses, vous êtes déjà largement au-dessus de nous ! Mais les Japonais sont encore largement au-dessus de vous ! Nous, on est tout en bas de l’échelle ! Donc, c’est normal ! Ce que je veux dire, c’est qu’ils sont un peu plus civiques, un peu plus civilisés. C’est-à-dire, qu’il y a des règles implicites de savoir-vivre, que nous on a tendance à oublier, parce que nous sommes un peu plus individualistes. C’est de l’ordre de ces nuances-là. Mais dans l’absolu. La vie n’est pas si différente que ça. Ce ne sont pas non plus des extraterrestres !

D.A: Qu’est-ce qui te manque du Japon ? Ta famille d’accueil ? Des amis ?

F.G: Plein de choses. Mais j’y vais deux fois par an. Vivre au Japon, j’ai déjà expérimenté ça. Il y a des bons côtés à la vie au Japon. Evidemment, le savoir-vivre, la qualité du service, la qualité de la nourriture (succulente et pas chère). Ce sont des choses qui me manquent bien sûr. Mais derrière, tout n’est évidemment pas rose. Il y a une pression sociale que nous n’avons pas chez nous. Justement, par ce côté un peu « civilisé », et le regard de l’autre. Toutes les trente secondes, pour ceux qui comprennent le Japonais, il y a une annonce dans le train: « Faites ceci, faites cela, attention à ceci, attention à cela. » Beaucoup de Français, et peut-être même de Suisse, s’ils comprenaient, si c’était tout en Français, se diraient « Mais dans quel société on vit ? » C’est infantilisé. Ils nous disent ce qu’on doit faire, ce que l’on ne doit pas faire. C’est marqué partout dans le train. C’est infantilisant. Peu de Français le supporteraient, parce qu’on est très latins. Et parce que l’on n’aime pas vraiment qu’on nous dise ce que l’on a à faire. Quand on y vit, cela peut être très pesant parfois, de devoir toujours faire attention à tout. Tu gardes tout pour toi. Le stress peut donc être parfois un peu différent que celui que l’on peut éprouver à Paris. Mais, il est là quand même. Tout n’est pas rose non plus.

D.A: Est-ce que tu te verrais t’y installer définitivement ?

F.G: Oui, bien sûr ! Après, la vie a fait que j’ai fondé une société quand je suis rentré du Japon. Cette société ayant bien marché, je suis cloué à Paris. Mais j’ai la chance d’y aller deux fois par année. Je suis content d’aller au Japon une ou deux fois par an. C’est un bon rythme. Parce que, comme je te le disais, vivre au Japon, ce n’est pas forcément plus rigolo que de vivre en France. La vie est plus chère sur bien des aspects aussi. Honnêtement, je préfère le climat français. L’été japonais est ouah !

D.A: C’est-à-dire ?

F.G: L’été est vraiment très humide et très chaud. L’hiver japonais est pareil: très humide. Pas forcément plus froid. Enfin, tout dépend des régions. Il y a beaucoup de moustiques là-bas ! Beaucoup moins ici. Mon épouse est Japonaise, et elle préfère vivre en France. Notamment au niveau des saisons, elle préfère largement la vie ici.

D.A: On termine avec la question d’entretien d’embauche. C’est un peu bête comme question, mais j’avais envie de te la poser quand même: Dans dix ans, tu te vois où ?

F.G: Si je ne suis pas mort de burnout… ! Je n’en sais rien. Toujours derrière mon PC, comme d’habitude.

D.A: Laissons le destin décider ?!

F.G: C’est ça, on va laisser mon destin entre les mains des dieux. Dans 10 ans, je ne sais pas. J’espère qu’Omaké Books existera toujours. Et que j’aurais pu continuer à rencontrer des créateurs de Jeux Vidéo et d’écrire leur biographie. Qu’elles se vendent ou pas. Parce que c’est important pour le patrimoine du Jeu Vidéo.

D.A: On retrouve toutes les références de tes ouvrages et de ceux que tu publies sur le site https://www.omakebooks.com . Florent Gorges, bible vivante de l’histoire de Nintendo et fondateur de la maison d’édition Omaké Books, merci infiniment !

F.G: C’est un plaisir !

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